CHAPITRE III

Retourner à l’appartement où il avait vécu sur Coruscant semblait bizarre à Jacen Solo. S’il avait au moins pu dire qu’il y avait grandi… Mais c’était loin de la vérité. Il avait sillonné la Nouvelle République avec ses parents, puis passé beaucoup de temps à l’Académie Jedi.

L’appartement était tel que dans ses souvenirs. Sa chambre se trouvait au bout du couloir, et la suite de ses parents à l’étage. L’air affairé, C-3P0 courait toujours d’un coin à l’autre, s’arrêtant seulement pour dire à Jacen qu’il était content de le revoir. Même s’il était exaspérant, le comportement du droïd de protocole faisait partie du cadre familier.

Mais ça mettait aussi Jacen mal à l’aise.

Son malaise l’inquiétait. Campé devant la verrière de transpacier, Anakin, son frère cadet, regardait les speeders se croiser dans le ciel. A travers la Force, Jacen percevait peu de choses d’Anakin, n’était une évidente appréhension.

Par contraste, sa jumelle, Jaina, débordait d’émotions brillantes. Sa joie d’avoir intégré l’Escadron Rogue était contagieuse. Toujours proches, les deux jumeaux partageaient beaucoup de choses. Mais la façon dont Jaina s’était épanouie dans son nouveau rôle avait dérouté Jacen.

Jacen la serra dans ses bras.

— Tu m’as manqué. L’escadron t’a occupée ?

— Oui. Nous recrutons de nouveaux pilotes, et j’aide à les sélectionner. Je supervise leurs réactions quand nous leur montrons comment les Yuuzhan Vong se battent. Nous les choisissons sur la base de leurs performances et sur d’autres éléments…

Jacen sourit.

— Les perceptions des Jedi sont efficaces pour ce type de travail.

— C’est vrai, mais il y a une chose vraiment surprenante... Wedge Antilles et Tycho Celchu font aussi partie du conseil de sélection. Nous rédigeons nos rapports après les entretiens et les simulations, chacun séparément. Et tous les deux, sans utiliser la Force, arrivent aux mêmes conclusions que moi. Leurs années d’expérience leur servent autant que la Force.

Anakin sourit.

— Je doute que les « années d’expérience » leur permettent de soulever des rochers !

Jaina fronça les sourcils.

— Tu sais ce que je voulais dire.

Jacen s’assit sur le canapé.

— L’expérience est utile à tout le monde, y compris aux Jedi. Elle nous évite de refaire les mêmes erreurs.

Anakin hocha la tête sans quitter la verrière des yeux.

— Par bonheur, certaines erreurs ne peuvent pas être répétées…

— Anakin, ce qui est arrivé n’était pas ta faute…, dit Jaina.

Il leva une main pour l’arrêter.

— Il n’y a aucun moyen de le savoir.

— Si tu as raison, Jaina, je suis maudit ! Je dois croire qu’il existe une façon d’en avoir le cœur net, pour que la prochaine fois…

Jacen se pencha.

— Tu as déjà vécu ta « prochaine fois », Anakin. Et tu as sauvé Mara.

— Oui, jusqu’au moment où Luke et toi êtes arrivés pour nous sauver tous les deux ! Ne croyez pas que je ne vous sois pas reconnaissant ! Vous m’avez apporté un début de réponse… A moi de continuer sur cette voie.

Jacen regarda son frère. Anakin n’avait jamais prononcé le nom de Chewbacca depuis sa mort. La disparition du Wookie les avait tous blessés, car il avait toujours fait partie de leur vie. Maintenant qu’il n’était plus là, ils mesuraient la profondeur de leur attachement pour lui. Sa mort laissait une blessure béante qui n’avait pas commencé à cicatriser.

Ils se turent, perdus dans leurs pensées. Anakin regardait par la verrière, les yeux dans le vague. Jaina s’assit à côté de Jacen, qui capta dans son esprit des souvenirs de Chewbacca.

Jacen se rappela la douceur de la fourrure du Wookie, sa force paisible, son sens de l’humour et de sa patience infinie avec les enfants humains liés à la Force.

— Eh, c’est si calme, ici… ! lança une voix familière – et bizarre.

Jacen leva les yeux. Il lui fallut un instant pour reconnaître son père, en haut de l’escalier. Les vêtements en désordre, d’une pâleur de cendres, il avait des cheveux plus longs que jamais, striés de gris, surtout aux tempes.

« C’est si calme, ici ! On dirait que quelqu’un est mort ! »

Que tu ne puisses plus prononcer ces mots prouve à quel point ça va mal…

Jacen se leva.

— Content de te voir, papa. Quand j’ai eu le message de C-3P0, je suis venu aussi vite que j’ai pu.

— Je sais, dit Yan, descendant l’escalier. Eh, bout de ferraille, tu ne leur as rien offert à boire !

— Ma foi, maître Solo, la coutume veut que…

— La coutume ? Ce sont mes enfants ! Que voulez-vous boire ?

Jaina secoua la tête.

— Rien, merci.

— Jacen, tu dois avoir envie de quelque chose, insista Yan, se tournant vers le droïd de protocole. Je prendrai…

— Merci, papa. Je ne veux rien.

— Je n’ai pas envie d’être le seul à boire, grogna Yan.

Sans se retourner, Anakin refusa l’offre d’un geste. Solo haussa les épaules et grimaça, comme si ses articulations le faisaient souffrir.

— Bon, j’attendrai…, fit-il, indécis.

Jaina regarda son père.

— Ton message avait l’air urgent. Que se passe-t-il ?

Yan soupira. Il désigna un siège à Jacen et prit place sur une chaise.

Anakin ne se retourna pas.

Yan posa les coudes sur ses genoux.

— Je ne sais pas comment vous dire ça… Avoir perdu Chewie…

Il se tut, regardant ses mains.

— Nous le savons, papa, dit Jaina avec un sourire courageux. Nous aimions tous Chewie.

Yan se passa une main sur le visage.

— L’avoir perdu m’a rappelé tout ce que je pouvais encore perdre. Je n’avais jamais éprouvé une telle peur… Vous imaginez ça, moi, Yan Solo, terrorisé ?

Anakin se tourna.

— Ça n’est facile à reconnaître pour personne.

Jacen vit luire dans le regard de son père un éclair de colère et de chagrin.

Il se leva et lui tapota maladroitement l’épaule.

— Nous comprenons, papa. Je t’assure !

Mais Yan s’était replié sur lui-même.

— Il n’y a rien à comprendre…

Jacen soupira.